Le général de Gaulle n'a pas dirigé la France pendant 14 ans sans élection, comme l'affirment ces infox au Mali

Publié le 8 févr. 2022 à 15:21 Modifié le 8 févr. 2022 à 15:21

  • Le général de Gaulle n'a pas dirigé la France pendant 14 ans sans élection, comme l'affirment ces infox au Mali

Une photo en noir et blanc de Charles de Gaulle, les bras croisés, a été partagée plus de 600 fois sur Facebook au Mali depuis le 16 janvier. Elle est utilisée par les internautes pour affirmer que le général français "a dirigé la France pendant 14 ans" entre 1944 et 1958, sans élection légitimant sa présence au pouvoir.

Une photo en noir et blanc de Charles de Gaulle, les bras croisés, a été partagée plus de 600 fois sur Facebook au Mali depuis le 16 janvier. Elle est utilisée par les internautes pour affirmer que le général français "a dirigé la France pendant 14 ans" entre 1944 et 1958, sans élection légitimant sa présence au pouvoir.


Ceux-ci font le parallèle avec la situation au Mali, où la junte prévoit de continuer à diriger le pays pendant plusieurs années sans organiser d'élection. Pourtant, cette analogie n'est pas pertinente selon plusieurs historiens consultés par l'AFP: Charles de Gaulle n'a pas dirigé la France entre ces deux dates.

Le général de Gaulle, les bras croisés, fixe l'objectif. Cette image en noir et blanc est surmontée de deux phrases qui affirment que le "militaire (aurait) dirigé la France pendant 14 ans", entre 1944 et 1958, avant "d'organiser des élections libres pour revenir à la 'légalité' dans le cadre de la 5e République".

Les internautes qui partagent cette image l'agrémentent de différents commentaires: l'un d'entre eux demande "quelle leçon peut-on recevoir de la France?", tandis qu'un autre appelle "Macron, le dirigeant français aussi les chefs d'etat de la Cedeao (sic)" à "venir lire" ce court texte. 




Tous, y compris les internautes dans les commentaires, utilisent cette affirmation pour s'indigner du soutien de la France à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui a pris une batterie de mesures économiques et diplomatiques à l'encontre du Mali.

Ces mesures sanctionnent notamment le fait que la junte soit revenue sur sa promesse d'organiser le 27 février prochain des élections présidentielle et législatives qui auraient ramené des civils à la tête du pays.

Selon les nombreux internautes qui commentent ces publications partagées plus de 600 fois depuis le 16 janvier (1234...), la France appliquerait une politique de "deux poids, deux mesures" en critiquant la junte, puisque le général de Gaulle aurait "dirigé la France pendant 14 ans" sans élections. 

"On n'en parle pas ça", approuve l'un d'entre eux; "Ils viennent donner quelle leçon au Mali et en Afrique?", interroge un autre. "La forces des archives! La France dégage!", s'indigne un autre.



1944-1946: le général de Gaulle, fondateur de la France libre puis chef du gouvernement provisoire

Pourtant, selon plusieurs historiens consultés par l'AFP, cette affirmation est fausse: le général de Gaulle n'était pas au pouvoir en France entre 1944 et 1958. 

"Il n'a pas dirigé la France de 1944 à 1958", a déclaré à l'AFP le 20 janvier Frédérique Neau-Dufour, historienne spécialiste du général de Gaulle et notamment co-autrice d'une bande dessinée biographique chez Glénat/Fayard.

"C'est exactement l'inverse de la situation historique", a abondé Vincent Giraudier, chef de département au musée de l’Armée en charge de l’Historial Charles de Gaulle, auprès de l'AFP le 21 janvier. 

"Il quitte le pouvoir le 20 janvier 1946, et il revient au pouvoir en 1958 après l'insurrection en Algérie qui a lieu cette année-", précise encore Frédérique Neau-Dufour.

Le général fonde la France libre en 1940 et à partir de là, "il n'a eu de cesse d'essayer de lui donner une légitimité non pas électorale parce qu'on ne pouvait pas organiser des élections, mais démocratique, en créant l'Assemblée consultative à Alger, en faisant siéger dans cette Assemblée tous les représentants de tous les partis de gauche, de droite, les syndicats", détaille Frédérique Neau-Dufour. Un procédé qui montre pour l'historienne "une volonté de légitimer aux yeux du monde une vraie volonté démocratique".


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