Faux, en octobre 2000 Laurent Gbagbo ne s’est pas proclamé président sur les ondes de Radio France International (RFI)

Publié le 19 mars 2022 à 16:47 Modifié le 21 mars 2022 à 09:03

  • Faux, en octobre 2000 Laurent Gbagbo ne s’est pas proclamé président sur les ondes de Radio France International (RFI)

"Les "Gor" (Gbagbo ou rien) disent que RFI (Radio France International) est une chaîne de propagande et mensongère : En Octobre 2000 Gbagbo Laurent s'est proclamé sur quelle chaîne déjà ?". Cette citation publiée sur Facebook reflète-t-elle la réalité ? Pas vraiment…

"Les "Gor" (Gbagbo ou rien) disent que RFI (Radio France International) est une chaîne de propagande et mensongère : En Octobre 2000 Gbagbo Laurent s'est proclamé sur quelle chaîne déjà ?". Cette citation publiée sur Facebook reflète-t-elle la réalité ? Pas vraiment…


Le jeudi 17 mars 2022 à 10H 17, Fassibiry Singaraka Koné a publié dans l’Observatoire des Houphouëtistes pour démocratie et la paix (OHDP), un groupe Facebook qui compte 61 700 membres. Sa publication, illustrée par la photo de l’ancien chef de l’Etat ivoirien, se moque des prises de positions des pro Gbagbo : "Les Gor disent que RFI est une chaîne de propagande et mensongère : En Octobre 2000 Gbagbo Laurent s'est proclamé sur quelle chaîne déjà ?"


Le contexte 


Cette déclaration survient au moment où les autorités maliennes ont ordonné dans un communiqué officiel, la suspension de la diffusion de RFI et France 24 dans leur pays, en raison, selon elles, de "fausses allégations" d'exactions commises par l'armée malienne et rapportées par les deux médias français.


Cette décision des actuels occupants du Palais présidentiel Malien, suscite des réactions dans le monde entier et ravive notamment des tensions dans la partie occidentale du continent africain. Et surtout en Côte d’Ivoire qui a connu une situation similaire (suspension de RFI) lors de la crise post-électorale de 2011. Par ailleurs, les prises de position de son Président de la république vis-à-vis de la junte malienne ont été diversement appréciées tant à Bamako qu'à Abidjan.


Ainsi donc, tout ce qui touche le Mali est rapporté aux clivages ivoiro-ivoiriens entre pro Ouattara et pro Laurent Gbagbo. 

En effet, les décisions de la junte malienne sont automatiquement applaudies ou soutenues par les partisans de Laurent Gbagbo, tandis que ceux du Président Alassane Ouattara, les désavouent ou les critiquent vertement. Et celle relative à la suspension de deux grands médias français d'information, n’a pas échappé à la règle. 


La publication de Fassibiry Singaraka Koné qui se proclame militant du rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, va dans ce sens. Elle a suscité de nombreuses réactions (voir ci-dessous).


Il ne s’agit pas de proclamation mais plutôt une conférence de presse que RFI a relayée  


Le 17 mars 2022, nous avons joint au téléphone Augustin Kouyo, rédacteur en chef du journal Notre voie, organe de presse officiel du Front populaire ivoirien (FPI), le parti politique qui a porté la candidature de Laurent Gbagbo à la présidentielle d’octobre 2000. 

Il est catégorique. "C’est lors d’une conférence de presse que Radio France International a couvert au QG de campagne de Laurent Gbagbo sis aux Deux Plateaux 7e tranche. J’y étais moi-même en tant que chef de service politique de Notre Voie. Il n’a jamais été question d’une quelconque proclamation sur les ondes de cette radio", a-t-il précisé. 


La version d’Augustin Kuyo est confirmée par la radio du groupe France Média Monde. 


En effet, un article publié le 25 octobre 2000 sous la plume de son envoyé spécial à Abidjan, Christophe Champin, RFI précise : "Le leader du Front populaire ivoirien, seul candidat de poids face aux général Gueï à l'élection du 22 octobre, a tenu une conférence de presse. "Nous avons fait une belle campagne et nous avons gagné", a-t-il lancé. Selon lui, les derniers pointages sur quatre cinquième des circonscriptions lui donnaient 59,58% des voix contre près de 33% pour le général Gueï. « Dès à présent c'est moi le président de la Côte d’Ivoire », a-t-il annoncé sous les hurlements de joie de la foule. » 


A en croire Augustin Kuyo, comme ces paroles de Laurent Gbagbo, ont été diffusées par RFI, certains auditeurs ont pu croire qu’il s’agissait d’une proclamation. "Il n’est rien", a-t-il coupé court. 


Un rapport de l’ONG Human Right Watch sur l’élection présidentielle d’octobre 2000 en Côte d’Ivoire, évoque également cette conférence de presse. 


"L'après-midi du 24 octobre 2000, peu de temps après que Guéi se soit déclaré président, Gbagbo a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a condamné l'annulation et demandé à ses partisans d'aller dans les rues et de manifester. "J'exige que dans toutes les villes et dans tous les quartiers de la Côte d'Ivoire les patriotes ivoiriens aillent dans les rues jusqu'à ce que leurs droits soient reconnus et jusqu'à ce que Guéi abandonne", peut-on lire dans ce rapport. 


Nous avons, par ailleurs, écrit à Fassibiry Singaraka Koné, le 17 mars 2022 à 15h54, pour en savoir plus sur la provenance de sa publication. Au moment de la publication de cet article, il n’avait pas réagi. 


VERDICT 


Laurent Gbagbo ne s'est JAMAIS proclamé président de la République sur Radio France International (RFI) à l'issue de l'élection présidentielle d'octobre 2000. Les sources sont formelles, c’est pendant une conférence de presse que le candidat du Front populaire ivoirien (FPI) à l’époque, s’est proclamé vainqueur de l’élection présidentielle.